TIRANNIDE indistintamente appellare si debbe ogni qualunque governo, in cui chi è preposto alla esecuzion delle leggi, può farle, distruggerle, infrangerle, interpretarle, impedirle, sospenderle; od anche soltanto deluderle, con sicurezza d'impunità. E quindi, o questo infrangi-legge sia ereditario, o sia elettivo; usurpatore, o legittimo; buono, o tristo; uno, o molti; a ogni modo, chiunque ha una forza effettiva, che basti a ciò fare, è tiranno; ogni società, che lo ammette, è tirannide; ogni popolo, che lo sopporta, è schiavo.

Vittorio Alfieri
(1790)


lunedì 1 novembre 2010

Giovanni Buzi, Frammenti 1995-2004

In ricordo di Giovanni Buzi (1961-2010): romanziere, saggista, pittore, ma prima di tutto nostro amico.

Bruxelles, dal 5 al 21 novembre 2010

esposizione di pittura di Giovanni Buzi "Frammenti 1995-2004"

Nel "Cabinet artistique Libre Choix"
rue Defacqz, 152, 1060 Bruxelles

Inaugurazione: venerdi 5 novembre alle 18 ore

Orario: tutti i venerdi, sabati e domeniche dalle 14 alle 20


L'atelier di Giovanni Buzi a Bruxelles

Giovanni Buzi

Les fragments

Les Fragments prennent vie en niant l’unité et, dans un même temps, ils cherchent à la recréer. Ils trouvent leur origine dans des oeuvres figuratives, mais ils nient la figuration, c’est-à-dire la reconnaissance directe de ce qui est représenté, sans exclure l’allusion à une nouvelle réalité que l’oeil de l’observateur est incité à interpréter, recréer, modifier.
Les Fragments ont leur origine dans plusieurs de mes oeuvres figuratives de dimensions plus vastes. Un jour, regardant l’une d’elles, j’ai senti comme une force qui se libérait derrière la surface, puissante et autoritaire, elle voulait briser le papier comme s’il s’était agi de verre. Je voyais les éclats, les fragments de l’oeuvre se projeter dans l’espace, errer, se superposer, non pour se disperser et disparaître, mais comme à la recherche d’une unité nouvelle.
Je n’ai rien fait d’autre, non sans hésitations, que donner forme à cette force. J’ai saisi les ciseaux et j’ai commencé à couper, à dépecer l’oeuvre.
Les premiers découpages furent les plus difficiles. La main hésitait, s’arrêtait en rencontrant la chair et le vide du ciel. Mais après les premières peurs, j’ai continué à mettre en pièces, laissant parfois intacts un visage, un pied, une main.
Il se fait que la radio, après un morceau de Mozart, mon compositeur préféré, avait programmé de la musique contemporaine. Je me suis levé automatiquement, comme je le fais toujours dans ces cas pour changer de station, mais brusquement je me suis rendu compte que je comprenais.
C’est bizarre, je comprenais cette musique. Elle aussi était une brisure d’une unité harmonique improbable.
Je dis cela maintenant alors que l’émotion de ce moment est passée. Mais à cet instant-là, dans les quelques pas qui me restaient à faire pour effacer ces sons, j’ai vécu seulement une grande émotion, “je comprenais”. Comment expliquer, transmettre aux autres, et à soi-même, comment et pourquoi on a “compris”...
Ces sons et moi-même ne faisions qu’un. Mes fragments éparpillés par terre dans le désordre vibraient comme des aveugles qui devinent la présence d’un ami dans l’obscurité.
Je me suis de nouveau accroupi sur le sol et je me suis remis à couper. A couper bras et arbres, thorax et temples. Je voyais se briser mes chères peintures. Je ne devais plus jamais les revoir entières, je n’en avais même pas une photo. Pourquoi les détruire ? Une sorte d’angoisse me saisissait, un vide à l’estomac. Avais-je déjà éprouvé cette sensation ?
Je continuais cependant à couper rectangles, carrés, quelques rares triangles de dimensions variées. Et ces peintures étaient heureuses, comme libérées. L’air circulait entre un poignet et sa main, entre le feuillage et le tronc d’un même arbre. L’eau d’une fontaine devenait aussi vaste que la mer et un coin du ciel conquérait l’espace de l’absence, du néant qui le contemplait désormais.
J’avais conquis le néant. Ou plutôt, c’est l’espace qui m’avait conquis. J’étais là comme un caillou sur le sol et j’avais la sensation de voler, de m’être moi-même déchiré et d’errer en morceaux dans l’infini. Un bras vers qui sait quelle lune, un pied perdu dans un trou noir, la tête à la poursuite de l’orbite d’une planète.
Mais ces fragments n’étaient pas pleinement satisfaits de leur liberté absolue. Une force nouvelle, tout aussi puissante, les regroupait, les superposait, cachant certaines parties, découvrant de nouvelles combinaisons infinies de formes, des accouplements de tons. Ils se rencontraient et se repoussaient, s’attiraient et s’éloignaient comme mus par une force magnétique.
Ils cherchaient un signe, une forme, un lambeau de couleur pour combler leur liberté infinie. Et je m’amusais comme le cercle des dieux sur l’Olympe à regarder les aventures menues et tragiques des hommes. Ce carré ocre hurlait comme une bête qu’on mène à l’abattoir sur un fragment de vert strié de bleu, un triangle enfonçait ses arêtes tranchantes sous le chair rosée de ce qui avait été une statue réchauffée par un coucher de soleil. Une lance couleur ciel se noyait dans un océan de charbons éteints.
A l’improviste, le signe noir d’un carré couleur de bronze se soudait à d’autres signes dans un champ jaune. Leur folle course solitaire dans l’espace s’était conclue. Il y avait une sorte de calme qui se dégageait de cet accord. Une paix nouvelle. Un souffle ample.
A côté, une lance bleue restait plantée à jamais dans la peau striée d’un énorme poisson qui errait lentement dans les abysses.
Un phare bloquait par magie une tempête de vagues vertes. Une fenêtre s’ouvrait sur un jardin de jaunes pétrifiés.
Un monde nouveau se présentait sous mes yeux et à chaque rencontre heureuse des morceaux de papier, mes membres errant dans l’espace s’articulaient à nouveau et je pouvais escalader des montagnes de glace rouge-brun, me reposer à l’ombre de carrés transparents et m’égarer, éperdu de bonheur, entre des coraux émeraude.
Mais on sait que le bonheur ne dure que quelques instants et, de nouveau, l’oracle de mes mains partait à la recherche de nouveaux mondes, de nouveaux espaces.
Parfois c’était un carré de couleurs éclatantes et aux signes irisés que les autres papiers repoussaient de toute part. Il restait planté là, pareil à une vieille fille à sa fenêtre qui attend son prince charmant tandis que sa beauté se fane et finit par se perdre dans une mer noire ou blanche.
Isolée comme un cri dans le silence. Et moi avec elle, plus encore qu’elle.
Mais d’autres essaims de brisures nouvelles s’emparaient de mon regard.
Des éclats de ciel et de vent, de champs de blé et de métaux.
Et le jeu reprenait, toujours le même, et chaque fois différent.

Bruxelles, 1995