Tempo di riflessioni,
tempo di letture, tempo di scoperte. Provence, un piccolo grande
libro, mai tradotto in italiano, di Jean Giono è stato uno dei doni
che questo isolamento forzato ci ha portato.
Ne proponiamo un passo dalle prime
pagine in cui Giono descrive con amore la varietà della sua terra
illuminata dal sole che all'alba spunta da dietro i monti del
Piemonte. E' un passo bellissimo, in un francese dolce e musicale che
non abbiamo avuto il coraggio di tradurre proprio per non disperderne
l'armonia. (G.A.)
Jean Giono
Provence
Mais dès que le jour se
lève, la plus extraordinaire diversité s’étale sous le soleil.
L’aube sortant du Piémont installe d’abord ses théâtres
italiens dans les forêts du Briançonnais, sur les glaces du
Pelvoux, les pâtures de l’Isère, les dents de scie du Vercors.
Elle saute plus bas, sur
le sommet du Ventoux, de la montagne de Lure, plus bas encore sur
Sainte-Victoire, sur Sainte-Baume. Elle ne touche encore la mer qu’au
large. Près de la côte, de Marseille à Nice, ou, plus exactement,
de Carry-le-Rouet à l’embouchure du Var, tout est encore dans
l’ombre.
Il faudra attendre que
les premiers rais du jour aient pénétré dans les sombres vallées
de la Drôme, dans les noires gorges du Diois, avant de voir
s’allumer la frange d’écume qui bouillonne contre les roches
rouges du Trayas.
De forêts en glaciers,
de pâtures en rochers, la lumière coule vers les vallons découvrant
les montagnes mordorées du Nyonsais, les schistes bruns de Gap, les
collines romantiques du Var, les déserts de Lure et du Canjuers;
elle touche de vermeil la pointe des villages perchés dans les
vallées de la Drôme, de la Durance, de l’Encrême, de l’Asse,
du Buech, du Verdon.
Elle se glisse en même
temps que la bicyclette du facteur dans la cour fortifiée des fermes
hautes du plateau d’Albion; elle se pose enfin dans la large Crau,
sur les graviers de marbre faisant mousser une longue herbe blonde
transparente comme du verre. Maintenant, la mer étincelle comme le
bouclier d’Achille; les yachts s’enflamment de pavois en rade de
Cannes; le café fume devant les huttes de charbonniers dans les
solitudes du Var; les douaniers vont chercher le journal à
Montgenèvre; les flamants roses s’élèvent du Vaccarès; le
pluvier fait courir son fil bleu dans les roseaux du Rhône; la grive
appelle sur les pentes du Ventoux; le blaireau rentre à sa tanière,
dans les déserts de Lure; les maraîchers discutent aux terrasses
des cafés de Cavaillon; les pêcheurs de Cassis commencent leurs
premières parties de boules; Marseille a lâché tous ses autobus
dans les rues; Grenoble compte ses pitons et ses cordes; Valence se
réveille au sifflet de ses chalands; l’odeur du pain frais embaume
des centaines de bourgs, mille villages.
Les écoles perdues dans
les bois avalent des petits enfants à la tête en boule; l’alouette
grésille en Crau, le corbeau croasse dans l’Alpe, l’aigle tourne
au-dessus de Lure; les troupeaux font fumer les chemins autour des
Alpes; les tankers soulignés de rouge mugissent au pont de Caronte.
L’étang de Berre éblouit Saint-Chamas.
Tout le Sud est en train
de vivre.
Jean Giono
Provence
Édition d'Henri Godard
Collection Folio, 1995